[Brèves d'affût] / [Brief of the lookout] @AlainLetevePadioleau Récit de l'affût dessous
Lundi 05 février 2024 / Monday, February 05, 2024
Il fait beau et je vais faire un petit affût d'observation juste au-dessus du village mais je prends quand même mon matériel de prise de vues.
J'aurai un large champ de vision avec beaucoup d'observations et de comportements lointains des animaux sans le moindre dérangement de ma part.
C'est un affût de février habituel, il est donc au soleil mais il fait très chaud et je suis en tee-shirt avec 20° à l'ombre.
C'était la Chandelours il y a trois jours, l'époque où l'ours retourne dans sa tanière pour quarante jours s'il voit son ombre la nuit à la lumière de la lune.
Car il fait froid si le ciel est clair avec un sol gelé qui l'empêche de trouver sa nourriture.
Mais le ciel est pur en ce moment et Arzhur peut sortir sans soucis et les observations d'ours dans les Pyrénées sont d'ailleurs régulières cet hiver.
Le dérèglement climatique fait aussi mentir les dictons.
La mésange charbonnière et le pigeon ramier chantent, et les grives sont excitées...
Un aigle qui vient de mon dos, bas, me surprend; il cercle dans les thermiques avant de se poser sur son reposoir à l'horizon.
Après une courte toilette, il regarde un peu alentour, fiente et s'envole pour cercler.
Plus haut, il revient vers moi en glissant très lentement sur les forts courants en observant avec sa tête de droite et de gauche.
C'est le juvénile qui semble seul car je ne vois pas les adultes mais il partage les thermiques avec un couple de buses, un faucon crécerelle et un couple de grands corbeaux qui virevoltent en criant.
La lumière est pure et l'effort du végétal qui s'accroche au minéral est très visible ici sous la lumière rasante.
Avant que le soleil ne passe, j'espère un chamois sur ces rochers en contre-jour plus haut mais c'est dans la ravine à l'ombre qu'il apparait soudain.
C'est un bouc; il a une grosse dépilation sur le cou qui pourrait avoir plusieurs origines; j'espère que ce n'est pas la gale mais il ne se gratte pas et n'a pas l'air de vraiment souffrir.
Lui aussi semble seul car je ne vois pas les mères et leurs chevreaux qui doivent être à l'ombre.
Il grimpe tranquillement en broutant et observe attentivement les passages délicats sur ce terrain friable et instable tandis qu'au-dessus, le couple de grands corbeaux bruyants s'en donnent à cœur-joie dans le vent.
L'aigle juvénile revient en glissant sur les ascendants pour plonger dans des piqués vertigineux alors que les derniers rayons en contre-jour donnent aux arbres hauts des airs féériques.
Je me rhabille rapidement car la nuit vient tôt et vite, et on voit en cela que c'est encore l'hiver.
Le chamois se distingue à peine dans les jumelles, il broute tranquillement et je quitte contrecœur cette image d'un autre monde qui est pourtant encore un peu le mien.
Car il est temps de remballer tant que je vois encore un peu avant de redescendre sous ce magnifique ciel pur du couchant.
Encore un de mes affûts ordinaires dans une nature ordinaire par un naturaliste ordinaire mais une de ces journées toujours extraordinaires...
4 окт 2024
