Lorsque Chukwuemeka Ojukwu, 34 ans diplômé d’Oxford et fils d’un chef traditionnel, proclame la République du Biafra le 30 mai 1967, Foccart avait déjà envoyé une dizaine d’espions au Nigeria et était prêt à aider les sécessionnistes biafrais. En 1963, le Colonel Bichelot, agent du SDECE (services secrets fondés en 1958) avait été envoyé auprès d’Houphouët-Boigny pour suivre l’évolution de la situation politique au Nigeria. Quand Ojukwu proclame son indépendance, Paris est prêt. L’audace d’Ojukwu s’explique donc par l’appui clandestin de la France de De Gaulle, l’Espagne de Franco, le Portugal de Salazar. Trois véritables racistes qui acceptaient très mal le rôle du Nigeria sur la scène africaine et internationale. On est en pleine Guerre froide et le Nigeria a des relents communistes et se tourne vers l’URSS. La prise de position en faveur de la province septentrionale du Nigeria visait à empêcher que ses idées ne se répandent en Afrique. Il fallait aussi empêcher la propagation de l’Islam, sauver la chrétienté du peuple Ibo, faire du Biafra une république chrétienne et anti-communiste. Le Nigeria était islamique à 80%. Le Nigeria faisant partie du Commonwealth, les dirigeants français voient en cette occasion un moyen d’affaiblir aussi l’Angleterre, une constante depuis les indépendances. En plus, pour De Gaulle, il s’agissait aussi de laver l’affront, car les dirigeants nigérians avaient dénoncé les expériences atomiques françaises au Sahara en 1960, et Lagos avait rompu ainsi toutes relations diplomatiques avec Paris.
Foccart voit dans la sécession du Biafra une occasion de s’affirmer en Afrique, en plus on vient de trouver du pétrole en terre biafraise. « Mais Foccart connaissait peut-être les dirigeants africains, mais il connaissait très mal l’Afrique », dira un protagoniste de cette guerre. Depuis l’indépendance de l’Algérie, la France cherchait des réserves pour son indépendance énergétique. C’était donc la guerre de Foccart, qui avait déployé ses réseaux de mercenaires et des barbouzes. Pour éviter de se faire réprimander par la communauté internationale et casser son mythe du Pays des Droits de l’Homme, De Gaulle va soutenir que très mollement cette campagne guerrière au Biafra. Ainsi, il dira, après avoir reçu une lettre apologique d’Ojukwu écrite par Philippe Letteron, l’invitant à reconnaître le Biafra : « Il ne faut ni intervenir ni donner l’impression d’avoir choisi. Il est bien-sûr préférable d’avoir un Nigeria morcelé qu’un Nigeria massif (60 millions d’habitants, à cette époque). Par conséquent, si le Biafra réussissait, ce ne serait pas plus mal pour nous. » Malgré, un communiqué de l’ambassade des États-Unis le 17 juillet 1967 déclarant un avion B26 de l’armée française, et un article du Canard Enchaîné, Paris nie. De Gaulle était donc réticent et hésitant. Pour Ojukwu, le soutien de De Gaulle allait galvaniser ses troupes. Dans les premiers mois, les troupes d’Ojukwu engrangent quelques victoires avec l’aide des barbouzes. Malgré ça, De Gaulle voulait plus de victoires pour se prononcer en faveur de l’État du Biafra. Mais très vite, les militaires du pouvoir fédéral du Nigeria vont prendre l’ascendant sur les troupes sécessionnistes, les comprimant dans un réduit enclavé de 75 kilomètres.
17 сен 2024