Capsule juridique Me Richard Goyette : Est-il toujours permis d’avoir 2 000$ ou plus sur soi au Québec?
Voici la capsule « Pour comprendre » enregistrée avec Stéphane Blais et Me Richard Goyette en septembre 2024 qui vise à répondre sous plusieurs angles à cette question.
Question 1
Est-il vrai que l'Assemblée nationale a voté ce printemps, sans grand débat, une loi qui permettrait, sous certaines conditions, aux policiers de saisir lorsqu'ils le jugent déraisonnable, toute somme de 2000$ ou plus en liquide ?
Réponse synthèse de Me Richard Goyette
Oui. Cette loi fut votée ce printemps par les députés de l’Assemblée nationale du Québec.
Au départ, il s’agissait du projet de loi 54 portant le nom de Loi sur la confiscation, l’administration et l’affectation des produits et instruments d’activités illégales. La loi porte le même nom que celui du projet de loi et devient le chapitre C- 52.3 des lois du Québec.
Selon Me Goyette, cette loi renverse le principe de base de la présomption d’innocence du citoyen. En effet, l’article 12.2 de cette loi prévoit que si une personne possède une somme de 2 000$ ou plus en argent comptant, cet « argent » est présumé être le produit d’activités illégales et peut être saisi.
De plus, cet article peut être interprété de manière large donnant aux policiers un pouvoir discrétionnaire qui irait à l’encontre des articles 1, 7, 8,9, et 10 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Question 2
Les policiers pourraient-ils , un peu comme ils le font avec des barrages pour les opérations de prévention d’alcool au volant, demander à des citoyens interpellés de façon aléatoire, d’ouvrir le contenu de leur portefeuille, sacs , etc. afin de s’assurer que le citoyen n’ait pas plus de 2000$ sur lui ?
Au préalable, il est important de dire que la loi n’interdit pas au citoyen d’avoir 2000$ ou plus sur lui, mais donne de facto un pouvoir discrétionnaire au policier, s’il le juge déraisonnable dans le sens des pratiques bancaires. Lors des débats sur l’adoption de cette loi, qui s’est faite à la va-vite, on parlait de somme dépassant les 100 000$, ce qui est loin d’être le cas ici. Bien sûr, le policier remettra un reçu à la personne à qui on saisira l’argent, mais cette personne devra démontrer que cet argent ne provient pas d’activités illégales. Non, ça n’a pas de sens. Cette loi est trop imprécise et le pouvoir de fouille ou perquisition du policier me parait manifestement déraisonnable sans plus d’encadrement.
Tel que répondu précédemment, Me Goyette juge que la loi est trop large, semble donner un trop grand pouvoir discrétionnaire aux policiers qui invoquent la « déraisonnabilité » des montants à leur discrétion et contrevient vraisemblablement aux articles 1,7, 8, 9 et 10 de la Charte canadienne des droits et libertés.
En ce qui a trait à un barrage aléatoire invoqué à la question 2, ce type de barrage serait illégal selon Me Goyette. Selon lui, les policiers ne peuvent s’adonner à des « parties de pêche » aux dépens d’honnêtes citoyens et sous de faux prétextes ».
Question 3
Tout citoyen, qui se sent abusé par une intervention policière en application de cette loi, a-t-il une série de recours qu’il pourrait utiliser pour dénoncer l’arbitraire policier afin de récupérer rapidement son argent ou faire valoir ses droits fondamentaux de citoyen?
Oui, il existe différents recours.
Le premier consiste à faire une plainte en déontologie contre le ou les policiers qui ont effectué la fouille et/ou saisie abusive.
Il existe également les recours civils pour atteinte à la réputation et et/ou dommages (ex: se voir confisquer de l’argent comptant qui était destiné à faire un voyage et ne pas être en mesure de faire le voyage en raison du manque de liquidité qui a été saisi).
Et bien entendu, il existe des recours visant l’inconstitutionnalité de certaines dispositions de la loi.
Conclusion
Il faut toujours se demander qui a un intérêt à faire voter de telles lois ou dispositions qui enfreignent nos droits fondamentaux. Dans le cas des dispositions de la « loi 54 », il semble y avoir un double intérêt. Le premier étant de dissuader le citoyen de faire des transactions en liquide, ce qui va dans le sens des intérêts des institutions bancaires qui craignent les retraits liquides importants à l’heure où ils sont très fragiles. L’autre convergence va dans le sens où l’État fait un pas supplémentaire dans la direction de restreindre nos droits fondamentaux à utiliser nos actifs liquides comme bon nous semble. Combiné avec les différentes lois comme C-63 et autres, il y a de quoi s’inquiéter et il y a nécessité de rester vigilant et d’agir pour contrer ces abus de pouvoir
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3 окт 2024