La guerre en Ukraine aggrave l’insécurité alimentaire et fait flamber les prix. La faim pourrait frapper jusqu’à 13 millions de personnes supplémentaires.
Invité : Gian Carlo Cirri, directeur adjoint du bureau genevois du Programme alimentaire mondial (PAM)
Présentation : Jean-Philippe Schaller
"C'est cauchemardesque comme situation", lance d'emblée Gian Carlo Cirri, très inquiet des répercussions de la guerre sur une situation déjà délétère. "Juste avant la crise ukrainienne, l'augmentation de la faim aiguë et sévère est déjà spectaculaire. La crise ukrainienne vient encore bouleverser la situation et empirer cet état de fait", poursuit le directeur adjoint du bureau genevois du PAM.
Le Programme alimentaire mondial, qui dépend des Nations unies, est la plus grande agence humanitaire qui lutte contre la faim dans le monde. Depuis 2020, la faim s'est considérablement aggravée. Une personne sur dix en souffre, et presque 2 milliards et demi souffrent de malnutrition, soit environ un tiers de la population mondiale. La FAO, organisation de l'ONU pour l’alimentation et l’agriculture, estime qu'entre 8 et 13 millions de personnes supplémentaires pourraient subir des privations de nourriture, en raison des conséquences de la guerre en Ukraine. Les premières régions touchées seraient l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie.
- Forte dépendance au blé russe et ukrainien -
La Russie et l'Ukraine représentent environ un tiers des exportations mondiales de céréales. De nombreux pays en dépendent. En particulier une trentaine d'Etats - situés principalement en Asie centrale et sur le continent africain - qui importent plus de la moitié de leur blé de ces deux pays. Une dépendance qui atteint même 100% pour l'Erythrée, ou quasiment pour le Kazakhstan (99%), la Mongolie (99%) et l’Arménie (98%).
La Russie et l'Ukraine sont aussi d’importants fournisseurs d’orge, de soja, de maïs et d’huile de tournesol. Le secrétaire général des Nations unies António Guterres redoute "un ouragan de famines et l'effondrement du système alimentaire mondial."
- Les prix flambent -
"En Ukraine, il n'y aura pas le même niveau de récoltes, mais on estime que 60-70% pourront être faites. Mais le problème n'est pas tant la disponibilité des céréales au niveau mondial. C'est un problème d'accès ", précise Gian Carlo Cirri qui pointe la hausse massive des prix. Selon la FAO, les prix des denrées alimentaires ont atteint "les plus hauts niveaux jamais enregistrés." Ce spécialiste, qui a notamment travaillé au Yémen et en République centrafricaine, craint que les pays les plus pauvres n'aient donc plus les moyens de les acheter.
Fin avril, le cours du blé dépassait les 400 euros la tonne sur le marché européen. Une inflation rapide et massive qui s’inscrit dans une tendance déjà haussière, visible depuis plusieurs années, en raison notamment du Covid et des conséquences du réchauffement climatique (sécheresses, inondations).
Au sommaire:
- Les prix de l'alimentation explosent et la faim menace les plus fragiles
- Gian Carlo Cirri: "On s'attend à une période de turbulences comme rarement vue"
- Les guerres, premières causes de la famine dans le monde
- Gian Carlo Cirri: "Il faut doubler les financements en matière d'assistance humanitaire"
- C’est quoi l’inflation ?
- En janvier 1984, les émeutes du pain en Tunisie
#Faim #Ukraine #Russie
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28 апр 2022