J’apprécie beaucoup le talent de conteur d’Henri Guillemin et ses compétences indéniables d’historien. Ceux qui, comme moi, l’écoutent toujours avec grand plaisir doivent cependant garder en mémoire qu’il ne prétend jamais être impartial et encore moins neutre dans tout ce qu’il expose. Il a travaillé sur des faits, les a analysés et nous livre brillamment sa vision des choses. Ceci est d’autant plus vrai lorsqu’il traite d’événements qu’il a vécus. Dans le cas du général de Gaulle, cette biographie sonore est remarquable et elle permet sûrement de livrer au public suisse qui assiste à sa conférence, sa propre vision du personnage. Il y a cependant un peu trop de « coups de griffe » pour l’adopter sans réfléchir plus. L’une des principales contrevérités qu’Henri Guillemin nous assène est celle de la Libération de Paris qui, à l’entendre, ne serait qu’une mise en scène, une mascarade destinée à mettre le Général sur le trône de France... Il dit ainsi que les Allemands étaient en fait déjà partis et qu’il n’y avait en fait plus rien à craindre (au passage, il est probable que Guillemin, alors réfugié à Genève, était en effet à l’abri des coups de Mauser...). Mais cette affirmation ne tient pas quand on considère le bilan chiffré de la Libération de Paris : 1) 1.500 FFI et 3.200 Allemands tués (en six jours...) 2) 156 tués à la 2e DB (en deux jours) 3) Un nombre sans doute équivalent de tués à la 4e division d’infanterie US Ajoutons que les Alliés vont faire plus de 12.000 prisonniers allemands (dont le général von Choltitz lui-même) ce qui fait quand même beaucoup pour une garnison qui était sensée, selon Guillemin, avoir quitté la capitale... Notre historien exprime en fait la répugnance d’une partie de ce qu’on appelle les centristes en France pour un personnage comme De Gaulle, qu’il inquiète par son jeu très personnel du pouvoir.
