Séance 3 animée par Mathieu Grégoire et Rémy Cardinale : « Le régime des intermittent·es du spectacle comme tremplin vers le salaire à la qualification personnelle »
On ne présente plus les intermittent·es du spectacle tant leurs combats menés depuis des décennies pour la sauvegarde de ce régime spécifique de l’assurance chômage, ont mis au-devant de la scène médiatique les travailleur·ses de la culture.
Mais comme le dit la célèbre formule : « ce qui est bien connu est en général mal connu ». Mal connu aussi des principaux acteurs de ce régime de l’intermittence. Des intermittent·es sous pression constante qui se battent tous les ans pour obtenir leurs fameuses 507 heures dans l’emploi, garantissant « leur statut ». Lapsus révélant sans doute un désir inconscient de voir enfin leur régime devenir pérenne en leur garantissant une assurance matérielle décisive pour travailler librement.
Savent-ils que ce seuil de 507 heures était jusqu’en 1979 de 1000 heures ? Que cet abaissement de moitié fut une conquête syndicale et que depuis, les conditions d'accès à l'indemnisation n'ont pas été significativement assouplies ? L’offensive syndicale de cette époque s’est transformée en bataille défensive devant les coups de boutoir menés par un MEDEF décidé, depuis des années, à marginaliser les intermittent·es du spectacle. Une stratégie redoutable qui aura sans doute raison de ce régime si nous ne retrouvons pas l’offensive.
Mais pour retrouver l’offensive encore faut-il tourner le dos à l’idéologie dominante. Une idéologie qui nous fait croire que l’indemnité chômage perçue entre deux cachets est une aide sociale pour des travailleur·euses privé·es d’emploi continu. La « rhétorique de l’aide » est un véritable cancer qui nous empêche de voir qu’un·e chômeur·se produit de la valeur économique. Que ce salaire soit socialisé ne le disqualifie nullement et démontre en revanche sa puissance subversive face à la production de valeur capitaliste.
En compagnie de Mathieu Grégoire, auteur de l’ouvrage Les intermittents du spectacle. Enjeux d’un siècle de luttes, nous nous pencherons sur l’histoire de la création du régime de l’intermittence du spectacle, sur ce qu’il révèle en termes de production artistique et sur les risques qu’il court aujourd’hui.
En revenant sur les principes fondamentaux de la production de valeur économique, nous tenterons de démontrer que l’actuel régime des intermittent·es du spectacle est un déjà-là sur lequel nous pouvons nous appuyer pour créer un nouveau statut des travailleur·ses de la culture. Statut qui sera un des piliers de notre nouvelle Sécurité Sociale de la Culture.
Bibliographie de la séance :
Grégoire M., Les intermittents du spectacle. Enjeux d’un siècle de luttes, Paris, Éditions La Dispute, 2013.
Friot B. et Lordon F., En travail. Conversations sur le communisme, Paris, Éditions La Dispute, 2022.
Dans la revue Théâtre/Public, janvier-mars 2022, n° 242 : Cardinale R., Catin A. et Friot B., « Créer sans capital. Le projet de Sécurité sociale de la culture », pp. 52-58.
Dans le premier numéro de la revue de sciences sociales « Salariat », 2022 : Grégoire M. « L’emploi, une cause patronale » p.159-193.
Friot B. « Faire de la qualification un droit politique de la personne majeure » p.39-56.
19 дек 2022