Poésie : « Requiem », Anna Akhmatova - musique par Fishbach 

Le texte : En avant-propos Dans les pires années des purges d’Ejov, j’ai passé dix-sept mois dans les queues des prisons de Leningrad. Un jour, je ne sais qui me « reconnut ». Alors la femme aux lèvres bleues qui attendait derrière moi et qui, bien sûr, n’avait jamais entendu mon nom, s’arracha à cette torpeur particulière qui nous était commune et me chuchota à l’oreille (toutes chuchotaient, là-bas) : ⁃ Et ça, vous pouvez le décrire ? Je répondis : ⁃ Je peux. Alors, quelque chose comme un sourire glissa sur ce qui autrefois avait été son visage. Dédicace Devant ce malheur les montagnes ploient Et le fleuve ne veut pas couler, Mais les verrous des geôles sont robustes, Derrière eux ce sont « terriers de forçats » Et une angoisse mortelle. Un vent frais souffle pour le quidam, Et pour lui le couchant se prélasse - Nous autres ne savons pas, Nous ne faisons qu’écouter L’odieux cliquetis des clefs Et les pas lourds des soldats. On se levait comme pour la première messe Et on allait par cette ville ensauvagée, On se voyait là-bas, mortels inanimés, Soleil plus bas, Néva plus brumeuse, Et tout chante un espoir impossible. Le verdict... Et aussitôt les larmes jaillissent, De tous, elle se trouve déjà séparée, Comme si la vie était retirée de son cœur, Comme si, brutalement, on la culbutait. Elle va... Titube... Seule. Où sont mes amies de hasard De ces deux années sauvages ? Que voient-elles dans les neiges de Sibérie Et sur le disque de la lune ? Je leur envoie adieu et salut. Préambule C’était quand seuls les morts Souriaient, heureux d’être tranquilles, Quand Leningrad s’affairait, boursouflure inutile, Autour de ses prisons. Quand, abrutis de douleur, Marchaient les régiments des hommes condamnés, Et quand les locomotives sifflaient Leur bref chant d’adieu, Les étoiles de la mort restaient fixes sur nos têtes, Et la Russie innocente se tordait Sous les bottes sanglantes Et les pneus des fourgons noirs. I. On t’emmena à l’aube, Je te suivis comme à la levée du corps, Dans la chambre encore sombre les enfants pleuraient, La bougie coulait près des icônes. Sur tes lèvres, le froid des médailles saintes, À ton front une sueur mortelle... Ne pas Oublier ! comme les femmes des strélitz, Je hurlerai sous les tours du Kremlin. L’arrêt La parole-rocher tomba Sur ma vivante poitrine. Ça ne fait rien, j’étais prête, Je viens à bout de n’importe quoi. Aujourd’hui j’ai beaucoup à faire : Il me faut tuer toute mémoire, Et que mon âme se pétrifie, Et de nouveau apprendre à vivre. Mais pas cela... L’été brûlant murmure Comme une fête à ma fenêtre, Depuis longtemps je pressentais ce jour Clair avec la maison déserte. À la mort N’importe, tu viendras - pourquoi pas tout de suite ? Je t’attends - C’est difficile pour moi. J’ai éteint la lumière et ouvert grand la porte Pour toi, si étrange et si simple. Alors prends n’importe quelle forme, Surgis telle un obus empoisonné, Approche en tapinois comme un bandit, Sois le typhus ou invente quelque conte Avec tout ce qui est connu jusqu’à vomir,- Que je voie le haut d’une chapka bleue, La pâleur et la peur du concierge. Tout m’est égal à présent. L’Iénisseï tourbillon. L’étoile polaire brille. Un ultime effroi va couvrir L’éclat bleu des yeux que j’aime. Épilogue. 1. Je sus comme les visages s’affaissent, Comme la peur regarde de dessous les paupières, Comme la souffrance dessine sur les joues Ses rudes signes cunéiformes, Comme les boucles blondes et noires Deviennent soudain argent, Comme le sourire sur les lèvres résignées Fane, et comme dans un petit rire sec Tremble l’effroi. Et je ne prie pas pour moi seule, Mais pour toutes celles qui étaient là-bas avec moi, Dans le froid cruel et dans la touffeur de juillet, Sous ce mur rouge et orbe. 2. De nouveau, l’heure du souvenir s’approche. Je vous entends, je vous vois et je vous sens : Et celle qu’on soutenait jusqu’à la fenêtre, Et celle qui ne foule plus la terre aimée, Et celle qui a secoué sa belle tête Et dit : « j’arrive ici comme chez moi ! » J’aurais voulu toutes les appeler Mais on a ôté la liste, et où m’informer ? Pour elles, j’ai tissé le voile funéraire De leurs pauvres mots surpris. Je me souviens toujours et partout d’elles, Je ne les oublierai pas dans un autre malheur, Et si on bâillonne cette bouche éprouvée Où les millions de voix de mon peuple crient, Puissent-elles vouloir se souvenir De moi quand on évoquera ma mort. Et si jamais dans ce pays on se propose De m’ériger un monument, Je suis d’accord pour cette fête Mais à une condition : ne pas le mettre Près de la mer où je suis née ; Mon dernier lien avec la mer est brisé ; Ni dans le jardin impérial, Près de cette souche secrète Où l’ombre inconsolée me guette, Mais là où je fus durant trois cents heures, Où le verrou ne s’ouvrit pas pour moi. C’est que dans la mort bienheureuse j’ai peur D’oublier le roulement des noires voitures Et le claquement de l’odieuse porte, Et la vieille, son cri de bête blessée. Que de mes paupières de bronze figées, Comme des larmes coule la neige fondue, Que le pigeon de l’in pace roucoule au loin Et que les lents bateaux glissent sur la Néva.

J'ain étudié Anna Akhmatova quand j'étudiais le russe, au lycée. Vous lui avez rendu un hommage poignant et superbe. Merci beaucoup.

Tout simplement magnifique. Je vais vous donner 5€, j'aimerai vous donner bien plus vous le méritez tellement ; mais je suis étudiant et les fins de mois ne sont pas toujours évidente. En tout cas merci pour tout ce que vous faites

A la fois glaçant, stupéfiant, plein de grâce et de beauté. Unique

A mon grand bonheur, je n'ai pas compris chaque phrase, chaque image, chaque signification au premier abord. Je m'en vais de ce pas faire ce que je préfère. Me renseigner pour comprendre ces références et décrypter ce magnifique texte. Bravo à vous pour une fois de plus ce travail de qualité et à vos collaborateurs talentueux . On sent la passion !! Ps : L'interprétation du poème de Baudelaire : "Les petites Vieilles" me fait toujours autant vibrer et est une partie intégrante de ma vie notamment lorsqu'il faut dormir !!

C'est magnifique, tant la voix que la musique que le dessin que le poème lui-même. Merci infiniment

J'attendais tellement ce poème! On ne vous remerciera jamais assez de nous offrir de tels trésors

😍😍😍 j’adore Anna Akhmatova! Merci pour l’émotion retransmise et bravo et merci pour votre travail ! C’est magnifique !

Merci beaucoup pour ce contenu très créatif et de qualité que vous nous proposez, c’est toujours un plaisir à écouter.

Je ne connaissais pas du tout, merci de m'avoir fait découvrir ce très beau texte si bien rendu !

C’est top ça, j’espère que vous lirez aussi des poèmes d’auteur classique, parce que c’est agréable à écouter. Musique, déclamation etc

*Pouvez-vous publier vos créations musicales sur spotify ?*

C’est génial, l’interprétation est très agréable. Merci :)

Des mots qui transpercent le cœur, d’une beauté incroyable. Merci ...

Merci pour cette belle découverte ! (Bonheur ultime à l'écoute de la prod de Fishbach, très intelligente association

MERCI.BEAOCOUP POUR CE BEAU REQUIEM ... SI MAGNIFIQUE ... BRAVO...

Magnifique j’en ai les larmes aux yeux, la musique derrière, c’est fantastique !!

c’était vraiment poignant, merci

C'est divinement beau. Merci Le Mock pour votre travail ❤

Honoré d'être feurst (ou quasi parce qu'il faut bien l'écouter d'abord), cest vraiment saisissant, les sons et les paroles correspondent virement bien, l'histoire est prenante, mais surtout l'ambiance par comment c'est dit, et comme c'est écrit. 👏💥

Un post Facebook de Télérama m'aura amenée ici. Je découvre tout en même temps aujourd'hui : votre chaîne RU-vid, vos réalisations précédentes, et cette magnifique première réalisation de la série Autrices. Bravo et merci pour votre travail et la philosophie qui le soutient. Ravie de vous connaître et vous suivre.

Très belle initiative,🤞 pour la suite, et je l'espère, pour l'aboutissement de ce projet.

Je vous encourage ! Très belle initiative. Merci pour votre engagement de si grande qualité.

Cette vidéo est un bijou, un hommage sublime à cette magnifique poétesse. La voix, l'illustration, la musique. Tout est parfait de la première à la dernière note. Comme toutes les vidéos de votre chaîne cela dit. Merci d'exister et de poétiser notre quotidien avec ce genre de merveilles.

C'était quand même magnifique, vos poèmes en musique et images. Ce feat avec Fischbach est super, je crois que mon préféré reste celui de Boris Vian. Vous m'avez fait découvrir des poèmes et j'y revient régulièrement. Dommage que vous n'ayez pas continué. Si vous sortiez un livre audio de poèmes je serais la première à l'acheter.

je vous remercierai jamais assez pour votre contenu c’était époustouflant

C'est vraiment génial encore une fois ! J'ai donné comme je pouvais :)

C fou!!! Magnifique

J'aime beaucoup

bravo, merci ! Serait-ce possible de mettre vos poèmes musicaux sur spotify ou autre plateformes ?

Quelle beauté ! Sublime. La musique est juste excellente Il y a t'il un moyen de la retrouver ? Un choix parfait, une lecture si investie, touchante, ça ne mérite que l'admiration. Tout est parfait. Félicitations. Je vais tenter avec mon petit pécule de participer à votre projet ! Je faisais déjà ça de mon côté, sur ma chaîne et principalement mon twitter, des lectures poétiques que j'accompagne de musiques et j'étais assez triste de voir aussi peu de poèmes "musicaux". Pourtant. C'est d'une immersion amplifiée lorsqu'un poème danse au rythme d'une musique. En l'occurrence, celle-ci était sibylline et légèrement froide (parfaitement représentative de la littérature et poésie russes, je trouve). Alors félicitations. Encore une fois. Quel projet, et de surcroît, quelle réussite !

C'est saisissant

Magnifique

J'aime beaucoup!

Merci!

Merci pour votre interprétation ! Et salutations de la Russie et de Saint-Pétersbourg

Prometteuse cette série !

Superbe et très joli projet! A quelle adresse devons nous vous envoyer les poèmes? Merci

Bravo !

sublime projet et je participerai !!

Les paroles !

Je ne connaissais pas cette auteure, merci. Quel souffle tragique.

😍😍😍😍😍

c'est superbe

c hier que j'ai découvert sur votre chaîne je voudrais pas crever et je suis allez chercher d'autre comme sa des poème animé sur internet en vit et la !!!!! vous étés des vrais hhhhh

Merci beaucoup pour ce texte poignant, notamment la fin de lucidité sur la statue qu'on lui doit, mais toujours en retard comme hommage et surtout que cet hommage ne soit pas que pour elle mais pour les victimes de Staline. Avoir peur que la mort lui fasse oublier les atrocités de la vie, tout simplement prodigieux! J'avoue que je ne connaissais pas Akhmatova. Sur internet on mentionne une édition chez Orphée (j'aime cette collection ): quelqu'un connait-il le volume sur la poétesse russe? et qu'en pensez-vous? Bonne continuation pour cette série ! Merci encore

Merci bien, j'adore.

J'arrive un peu après la fête mais je voudrais savoir : Qu'est ce qui fait qu'un poème est un poème ? J'ai lu peu de poèmes dans ma vie et mis à part ceux qui sont en rime, je n'arrive pas à faire la différence entre un poème et une histoire, un court roman, une nouvelle. Merci

Vous m'avez beaucoup inspiré à travers vos vidéos poétiques ! Vous m'avez donnez l'envie de réaliser des formats courts prenant la forme d'un carnet de bord poétique avec des images simples de notre quotidien. Pour les personnes curieuses n'hésitez pas à jeter un oeil sur ma chaîne.. c'est le tout début et votre soutien comptent beaucoup.

Je peux, Alors quelque chose comme un sourire glissa sur ce qui autrefois avait été un visage

2:27 je ne comprends pas ce qu'elle dit ^^'

Et cet écho parfois, ajoute à ce magnifique texte....LOUISIANE

Vraiment superbe. Je n'y avais jamais prêté attention mais je ne lis que des auteurs masculins. Il va falloir que je réajuste mon cap au plus vite tant cette nouvelle brise m'exalte ! J'aurais cependant une remarque mineure, serait-il possible de mettre des sous-titres à la vidéo ou alors de copier/coller le texte dans la description ou même dans un commentaire ? Ainsi il me serait possible d'ancrer mon esprit car malheureusement, sans accroche visuelle, ma réflexion divague rapidement au gré du flot de mes pensées... Et en les lisant, les mots s'encrerons mieux (oui oui) dans ma mémoire. Je m'excuse pour le style gauchement pompeux mais je n'ai pas d'autre endroit pour m'amuser à écrire ainsi... Et je fais ce que je veux, nah ! Merci beaucoup pour tous ce que vous faites, vous et les gens avec qui vous vous associez, j'ai vraiment hâte d'entendre la suite ! Je vais casser ma tirelire mais j'ai bien peur que ses cliquetis ne soient pas bien sonores...

Yo les gars, si vous souhaitez alterner vos illustrateurs je vous conseille Mangysheep, c’est un lyonnais.

Korega ... Requiem Da

Une belle réalisation sur le plan musical - ce qui est rare dans le genre synthétique musico-poétique. La compositrice manifeste une très grande capacité à utiliser les sons électroniques dans un sens très suggestif bien adapté au sens général du texte. Volume sonore de la musique à mon avis légèrement trop fort par rapport au texte qui devrait rester dominant et plus nettement perceptible. Le texte me paraît plus difficile à juger. un certain sens dramatique transparaît. Le contenu, sur le plan sémantique, témoigne-t-il d’un réel génie littéraire ou s’agit-il d’’un développement relativement conventionnel dans le style moderniste propre au 20ème siècle? Malgré le fond ancré dans la réalité historique, on reste dans la poésie strictement égotique. Pourquoi pas, bien sûr, mais c'est à mon avis une limitation assez caractéristique de l'idéologie moderne occidentale en même temps qu'un témoignage des errances esthétiques décadentes. Moi-même poète épique (auteur de la Saga de l’Univers sous le pseudonyme de Claude Ferrandeix) et compositeur de fonds musicaux, je me permets de proposer une vision épique de cette période “Les Slaves sauvés” ru-vid.com/video/%D0%B2%D0%B8%D0%B4%D0%B5%D0%BE-CAyeMAshbLI.html

Franchement c'est pas léger