EUGÈNE DELACROIX (1798-1863) - Une vie, une œuvre [1992] 

Par Stéphanie Katz et Jacques Taroni.
Émission sous-titrée "Le Journal de Delacroix, ou ces mots que le peintre nous cache",
diffusée sur France Culture le 07.05.1992.
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Intervenants :
- Bruno Mathon
- Jean-Pierre Guillerm
- Michele Katz
- Nicole Savy
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Lire le "Journal" de Delacroix c'est, sinon oublier la peinture, du moins se tourner vers un espace autre. Car le "Journal" est du soir lorsque de la peinture il n'y a plus que la mémoire. Le soir, avec tout ce qui revient du jour : mondanités, plaisirs, misères, aigreurs. "Le Journal", c'est aussi l'écriture du foyer, du repos solitaire, du temps singulier de la méditation. "Le Journal", c'est encore l'écriture du bonheur, le bonheur de l'écriture. C'est pourquoi on peut lire "le Journal" de Delacroix comme un long poème. Et c'est là sa spécificité : un long poème de l'intimité et du quotidien. Là où la peinture est conçue comme offerte au public, l'écriture du jour est versatile et discontinue. L'écriture vient là comme pour ordonner le reste de la vie, pour définir un espace autre où contradictions et paradoxes intimes vont pouvoir venir aux mots. Car Delacroix sait que par l'écriture, fût-elle celle de la variation, quelque chose de la loi s'énonce.
Cette esthétique du fragment nous indique la modernité du "journal" de Delacroix. L'écriture n'est pas seulement, ici, capitalisation de ce qui se perd avec le temps, mais aussi retour du perdu, plus ancien, que le récent fait revenir. L'écriture tisse les pertes, et la mémoire du jour devient un feuilleté de temps perdus.
L'émission donnera à entendre ce quelque chose qui, dans le "Journal", se modèle sur le regard du peintre croquant le motif : une écriture liée à l'instantané du désir, n'ayant ni commencement ni fin.