L’Affiche rouge est une affiche de propagande allemande placardée massivement en France sous l'Occupation, après la condamnation à mort de 23 membres des Francs-Tireurs et Partisans - Main-d'Œuvre Immigrée (FTP-MOI), résistants (groupe Manouchian) dont 10 sont représentés sur l'affiche.
L'affiche sert à la propagande nazie qui vise à déstabiliser la Résistance française en jouant les cartes traditionnelles de l'anti-bolchevisme et de la xénophobie pour influencer l'opinion publique en assimilant ces 10 résistants à des terroristes mais eut sur la population un effet contraire à celui cherché par les Allemands : réactions de sympathie, nombreux articles de soutien dans la presse clandestine. De nombreux anonymes déposèrent des fleurs au pied des affiches et collèrent des bandeaux sur lesquels on pouvait lire : « Oui, l’armée de la résistance », « Morts pour la France », ou « Des martyrs ».
Les 22 hommes ont été fusillés le 21 février 1944 au Mont-Valérien. Olga Bancic, seule femme du groupe, fut décapitée le 10 mai 1944 à Stuttgart.
(Les 10 premiers de la liste sont ceux qui figurent sur l’affiche)
Missak Manouchian, Arménien, 37 ans
Robert Witchitz, Français, 19 ans
Marcel Rajman, Polonais, 21 ans
Szlama Grzywacz, Polonais, 34 ans
Thomas Elek, Hongrois, 18 ans - Étudiant
Wolf Wajsbrot, Polonais, 18 ans
Joseph Boczov, Hongrois, 38 ans - Ingénieur chimiste
Maurice Fingercwajg, Polonais, 19 ans
Celestino Alfonso, Espagnol, 27 ans
Spartaco Fontanot, Italien, 22 ans
Georges Cloarec, Français, 20 ans
Rino Della Negra, Italien, 19 ans - Footballeur du Red Star Olympique
Jonas Geduldig, Polonais, 26 ans
Emeric Glasz, Hongrois, 42 ans - Ouvrier métallurgiste
Léon Goldberg, Polonais, 19 ans
Stanislas Kubacki, Polonais, 36 ans
Cesare Luccarini, Italien, 22 ans
Armenak Arpen Manoukian, Arménien, 44 ans
Roger Rouxel, Français, 18 ans
Antoine Salvadori, Italien, 24 ans
Willy Schapiro, Polonais, 29 ans
Amedeo Usseglio, Italien, 32 ans
Louis Aragon écrira en 1955 « Strophes pour se souvenir » mis en musique par Léo Ferré en 1959 sous le titre « L’affiche rouge »
Voici la lettre écrite par Missak Manouchian à Mélinée, sa femme.
Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée,
Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, je n’y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais. Que puis-je t’écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps.
Je m’étais engagé dans l’Armée de la Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense.
Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous... J’ai un regret profond de ne t’avoir pas rendue heureuse, j’aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d’avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu’un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi à ta sœur et à mes neveux. Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l’armée française de la libération.
Avec l’aide des amis qui voudront bien m’honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d’être lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie. Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l’heure avec le courage et la sérénité d’un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n’ai fait de mal à personne et si je l’ai fait, je l’ai fait sans haine.
Aujourd’hui, il y a du soleil. C’est en regardant le soleil et la belle nature que j’ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus. Je t’embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur. Adieu. Ton ami, ton camarade, ton mari.
Manouchian Michel
P.S. J’ai quinze mille francs dans la valise de la rue de Plaisance. Si tu peux les prendre, rends mes dettes et donne le reste à Armène.
Le 21 février 2024, ça fera 80 ans que ces hommes et femmes ont été exécutés. Et ce même jour, Missak Manouchian entrera au Panthéon en compagnie de sa femme Mélinée.
5 сен 2024