Les faits à l'épreuve des mots... Les journalistes et les auteurs savent à quel point des faits peuvent être habilement manipulés, pervertis ou déformés.
On se souvient des livres à décharge dans des affaires où il n'y avait pas vraiment de doute. A commencer par "Le pull-over rouge" de Gilles Perrault, dont l'immense succès de librairie permit au courant abolitionniste de prendre l'exécution de Christian Ranucci en exemple de l'erreur judiciaire fatale... Un Christian Ranucci absolument coupable dont les aveux maintes fois réitérés devant les policiers, le juge d'instruction et le psychiatre fait furieusement penser à ceux de Muriel Bolle.
Mais il y eut également "La construction d'un coupable" de Jean-Marie Rouart, dans lequel l'académicien tente de disculper Omar Raddad en évoquant toutes les pistes, réelles ou fictives, que les policiers n'auraient pas suivies... Un Omar Raddad qui ne renonça jamais à clamer son innocence malgré la dénonciation écrite de sa victime et le rejet argumenté de toutes ses tentatives de révision.
L'affaire Gregory inaugure une autre forme de littérature judiciairement engagée. Il s'agit de la presse injustement à charge, ou quand des journalistes inventent une culpabilité en revisitant la réalité des faits.
La formule n'est sans doute pas nouvelle, mais elle est unique dans son ampleur et surtout dans ses conséquences: la mise en examen de la coupable désignée par la presse...
Encore une fois, le rôle de la presse aurait été inefficace si les premiers actes de procédure, auditions et expertises, n'avaient été frappés de nullité en raison de l'incurie du magistrat instructeur.
Il faut bien comprendre que lorsque la piste Laroche s'effondre, non pas par la mort du cousin de Jean-Marie Villemin, mais par l'annulation de tous les actes de procédure, le juge Lambert essaie de garder la tête haute. Il ne veut surtout pas être débarqué du dossier. Il refuse même d'en être dessaisi. Et le seul moyen pour lui de rester aux commandes, c'est d'accepter cette nouvelle piste qui s'offre à lui aussi opportunément: la culpabilité de Christine Villemin.
17 окт 2024