Nicolas Grimal, Jean-Noël Robert / Dialogue 3.
Comment le caractère figuratif de l’écriture influence-t-il les choix littéraires ? Quelle est la relation entre l’image et le phonogramme dans la transmission ? La perte de l’image est-elle un appauvrissement ? Quels sont les avantages des différentes écritures ? Un pédiatre new yorkais a appris à lire à des enfants dyslexiques… en leur faisant « lire en anglais » … des caractères chinois… L’écriture alphabétique n’est pas forcément la plus « pratique » !
Les maîtres scribes égyptiens sont les rois du calembour, et s’appuient sur un « fonds » de fables et sur des blagues référentielles d’une littérature populaire également transcrite : il y a du texte « derrière ». Mais on ne sait pas à quoi renvoient ces formulations imagées Dans le Man’yõshÙ, première anthologie de poésie japonaise, à la fin du 8ème siècle, il y a des avalanches des calembours qui jouent sur les deux systèmes d’écritures chinois et japonais. Et le Sûtra du Lotus peut se lire à la fois phonétiquement et visuellement. En Egyptien, le signe hiéroglyphique choisi pour représenter une opération intellectuelle est le rouleau de papyrus fermé : il renvoie à un autre texte déjà écrit qui, lui, nous échappe.
La langue Naxi semble pouvoir se lire comme une bande dessinée, mais sa « renaissance » se nourrit à la fois d’identité nationale et d’usages touristiques. La langue Maya, si récemment comprise, se révèle comporter des « signes-phrases » d’une combinaison supérieure. Le Tifinagh n’est pas encore déchiffré. L’écriture de Mohenjo Daro n’en est peut-être pas une et sa compatibilité apparente avec le brahoui, langue dravidienne septentrionale, s’est révélée mal expliquée. Comment identifier des éléments exogènes qui sont des transcriptions aberrantes de noms étrangers ? La méthode statistique peut-elle vraiment aider ? La clef, comme pour un Claude Rilly au Soudan, est de déterminer un vrai contenu identifiable. Le travail du linguiste reste irremplaçable. Werner Vycichl parlait 29 langues « Seules les 9 premières sont difficiles » avait-il expliqué à Nicolas Grimal…
Les traditions médico-magiques, par « magie sympathique », présupposent qu’il y a corrélation directe entre le texte et la réalité : on inscrit les formules sur le corps, ou bien on avale des écrits qui guérissent. Mais l’apocalypse, l’Asclepius, pour le temple égyptien, ou la rupture de l’ère Meiji, advient lorsque les systèmes culturels se referment sur eux-mêmes, que tout un univers intellectuel disparaît, au point que les mots ne veulent plus rien dire.
14 окт 2024